Etat de la question concernant la compatibilité entre
la plongée sous-marine et un statut post-intervention
de type Nissen
Le reflux gastro-œsophagien fait partie des pathologies couramment observées dans nos populations, en particulier chez les patients souffrant d’une surcharge pondérale. Le traitement de celui-ci consiste généralement en des mesures d’hygiène alimentaire et en la prise de médicaments limitant l’acidité gastrique et en particulier les inhibiteurs de la pompe à protons. Cependant, en cas d’échec d’un traitement médical ou en cas de métaplasie œsophagienne générant des œsophages de « type Barrett », une intervention chirurgicale peut être indiquée. Celle-ci consiste en la réalisation d’un manchon entourant le bas-œsophage et fonctionnant comme une valve anti-reflux. L’évacuation de l’air présent dans la cavité gastrique vers l’œsophage sous la forme d’éructations peut dès lors être fortement entravée par la réalisation d’un tel manchon. C’est la raison pour laquelle certaines commissions médicales de fédérations de plongeurs ont placé la présence d’un manchon anti-reflux dans les contre-indications pouvant être considérées comme définitives à la plongée sous-marine. C’est ce que l’on retrouve sur les documents provenant de la Fédération Française d’Etudes et de Sports Sous-Marins (FFESSM). Cependant, généralement ces listes de contre-indications relatives ou absolues sont fournies à titre indicatif et non limitatif et c’est bien entendu le cas de celles fournies par la FFESSM. Effectivement, il est estimé que les problèmes doivent être abordés au cas par cas en considérant en particulier d’éventuels examens complémentaires réalisés par un spécialiste ainsi que le niveau technique du plongeur affecté. Dans le cas de la FFESSM, en cas de litige, une décision finale est soumise à une commission médicale et de prévention régionale et enfin en appel à la commission médicale et de prévention nationale. Ce mode de fonctionnement est généralement rencontré dans les diverses fédérations qui encadrent l’activité de plongée scaphandre.
Dans le cas particulier de la présence d’un manchon anti-reflux, lorsque l’on utilise le moteur de recherche « PubMed » en indiquant les deux mots-clés « diving » et « Nissen », seule une publication est mentionnée. Elle date de 1998 et a été publiée dans le British Journal of Sports Medicine. Elle mentionne un incident survenu trois mois après une intervention de type Nissen chez un jeune patient âgé de 36 ans. Si l’incident qui y est relaté de par son mode de survenue évoque clairement un barotraumatisme, la lésion qu’il a occasionnée est des plus aspécifiques. Effectivement, alors que je m’attendais à voir relater un cas de rupture gastrique à la remontée, l’incident a consisté en une migration du manchon dans la cavité thoracique. Si la rupture gastrique peut être considérée comme une complication classique de type décompression, chez les plongeurs effectuant généralement des remontées d’urgence non contrôlées, la migration du manchon de fundoplicature au niveau du thorax l’est beaucoup moins. Elle se rencontre effectivement classiquement après une intervention de type Nissen sans bien entendu que sa présence ne soit systématiquement rencontrée. Cette complication est favorisée par la chronicité de l’œsophagite sous-jacente pouvant être à l’origine d’un œsophage « raccourci » médicalement intitulé endobrachyoesophage. Cependant, l’incident qui est relaté dans cet article évoque clairement un barotraumatisme puisqu’il est survenu à la remontée dans de faibles profondeurs et après survenue d’une symptomatologie fortement évocatrice d’une dilatation gastrique. La publication ne manque pas de préciser également que c’est lors d’une initiation à la plongée que cet incident est survenu et il ne s’agissait dès lors pas d’un plongeur expérimenté. L’article conclut que la réalisation d’une intervention de type Nissen contre-indique formellement la pratique de la plongée sous-marine. Cette conclusion doit à mes yeux cependant être relativisée étant donné, d’une part le caractère absolument inexpérimenté du plongeur à qui cet incident est survenu puisqu’il s’agissait d’une initiation à la plongée, et d’autre part étant donné le délai court de trois mois observé après la chirurgie sans avoir tenu compte d’éventuels symptômes préalables chez ce patient pouvant évoquer un manchon extrêmement peu tolérant quant à la présence d’un reflux aérique. Tout ceci ne remet bien entendu pas en question le fait que réaliser un manchon d’étanchéité sur une cavité pouvant contenir de l’air et la soumettre à l’influence de la loi de Boyle et Mariotte peut se traduire de façon indéniable par un barotraumatisme de cette cavité.
Lorsque sur le même moteur de recherche « PubMed » les trois mots-clés « gastric », « rupture » et « diving » sont introduits, 18 publications sont mentionnées. Toutes relatent des cas isolés ou multiples de ruptures gastriques secondaires généralement à des remontées incontrôlées en plongée sous-marine. Toutes ces ruptures surviennent au niveau de la petite courbure de l’estomac et il est évoqué dans ces multiples publications la possibilité d’un facteur favorisant en la présence d’une alimentation pléthorique pré-activité sportive. Il est intéressant de noter qu’aucune de ces publications ne mentionne de cas de rupture gastrique survenant chez un patient ayant bénéficié d’une chirurgie de type Nissen ou Toupet. Je pense que ces éléments doivent être apportés à la discussion d’un dossier qui devrait être porté devant une commission médicale d’une fédération. Je pense qu’il est également important, mais cela n’engage que moi, d’attendre une durée de cicatrisation plus importante avant de repratiquer une activité sportive. Je pense également qu’il faut s’assurer du confort du patient suite à la réalisation de ce manchon chirurgical dans son activité quotidienne avant de le soumettre à la loi de Boyle et Mariotte ! Que ces considérations ne sont pas observées comme des vérités arbitraires mais comme des éléments de réflexion à soumettre à l’évaluation d’un dossier …
Il m’a été posé la question de l’opportunité de réaliser une intervention de type Toupet avec un manchon par définition non circonférentiel couvrant les trois-quarts de la circonférence du bas œsophage plutôt qu’une intervention de type Nissen réalisant un manchon entièrement circonférentiel. Si je m’en réfère aux guidelines du traitement chirurgical du reflux gastro-œsophagien publiées par la Society of American Gastrointestinal and Endoscopic Surgery en 2008, il n’existe pas à ce sujet de réponse claire. A la question de savoir s’il est préférable de réaliser une fundoplicature partielle ou totale chez les patients souffrant de reflux gastro-œsophagien, l’évolution postopératoire de ces patients semble tout à fait comparable et favorable dans les deux cas concernant la présence de dysphagies, de survenue de flatulences ou d’une sensation de plénitude. Par contre, on y mentionne également l’absence de différence significative concernant les résultats en termes d’œsophagite, de pyrosis et de persistance d’un reflux gastro-œsophagien. Les résultats cliniques étaient dès lors évalués bons dans l’évolution au long terme des patients investigués. Quant à l’opportunité de réaliser une intervention de type Toupet (manchon partiel) plutôt que de type Nissen (manchon circonférentiel), les données mentionnées dans ce document révèlent que les résultats à court terme semblent tout à fait favorables et comparables dans les deux techniques. Les résultats à long terme quant à eux semblent à première vue comparable mais manquent de véracité statistique étant donné que les résultats s’arrêtent après 5 ans d’évolution … Je pense avant tout que l’expérience du chirurgien quant à sa technique de prédilection est de loin le facteur principal de bonne évolution d’un patient bénéficiant d’un manchon anti-reflux et que c’est dès lors la maîtrise technique du chirurgien envers l’une ou l’autre intervention qui doit primer. C’est ici le chirurgien qui parle en regard de son expérience …
Ce qu’il est important à mon avis de constater est que tous ces éléments pris en compte ne vont pas dans le sens d’une décision univoque. Il existe bien entendu dans la littérature un incident relaté fort probablement lié à un barotraumatisme et responsable d’une migration du manchon anti-reflux dans la cavité thoracique. C’est indéniable ! Mais cette complication peut survenir chez tout patient ayant subi ce type d’intervention et ne pratiquant pas la plongée sous-marine … Cet incident étant survenu chez un plongeur novice chez lequel il est fort probablement plus fréquent d’observer une déglutition d’air lors des premières plongées d’initiation, que ce que l’on peut observer chez un plongeur expérimenté. Il faut également certainement par prudence considérer les symptômes du patient après réalisation de ce manchon. Si le patient souffre régulièrement de sensations de plénitude, voire mêmes de douleurs gastriques par distension de sa cavité, il semble des plus imprudents de lui permettre de soumettre cette cavité à la loi de Boyle et Mariotte alors que si le patient n’a jamais expérimenté de telles sensations et qu’il mentionne même la possibilité de pouvoir présenter des « éructations », la situation n’est bien entendu pas du tout la même.
Bref, la question reste ouverte et c’est généralement en ce sens que vont les commissions médicales des différentes fédérations. Il faut bien entendu évaluer le patient au cas par cas tenant compte de son confort quotidien ainsi que de son expérience en plongée sous-marine …